FRANCE CULTURE,
LES CHEMINS DE LA PHILOSOPHIE
« LE YOGA,
UN VOYAGE AU CENTRE DE SOI »
Colette Poggi, 24 mars 2021
Colette Poggi est une philosophe indianiste qui a traduit des textes de philosophie du yoga depuis le sanskrit. Dans l’émission de France Culture « Les chemins de la philosophie » du 24 mars 2021, elle présente la philosophie du yoga. Le yoga est en effet une pratique qui sert d’outil pour avancer dans un chemin spirituel.
Être centré veut dire s’ouvrir au monde. Cela amène une relation plus fluide et spontanée au monde.Yoga vient du sanskrit yuj qui signifie relier. Il s’agit de l’image de la roue qu’on retrouve dans la Bhagavadgītā, avec un centre d’où partent les rayons. Centrer son esprit, fixer son attention dans son corps c’est relier au centre. Le terme vient aussi de yukti, la pertinence, la justesse et yukta, être relié. La philosophie du yoga émane de la pratique corporelle comme des éclairs d’intuition issus des sensations éprouvées dans son corps.
L’objectif du yoga est de se libérer de l’ego et de parvenir à la dévotion aimante, nommée Bhakti yoga. Le regard sur la vie n’est pas juste. Il est altéré par un égocentrisme exacerbé et c’est cela qu’il faut transformer. Il s’agit de parvenir à être franc stoïque et de n’avoir plus de passion pour les sens, pas d’attachement, garder une égalité d’esprit envers ce qui survient.
Il s’agit de se débarrasser du moi artificiel qui veut paraître pour être et rejoindre le soi universel. C’est se relier avec une existence pure. On connait cette émotion dans l’émerveillement absolu d’une expérience au cours de laquelle on est traversé par la beauté d’un concert, ou d’un paysage avec lequel on entre en effusion. Il y a alors un retour au soi spontané sans « je veux ». On éprouve la pulsation d’être et non de vouloir être.
La posture du yogi consiste à dire : « Je vais faire de mon mieux. Je vais me laisser porter par la vie ». C’est de là que vient la réussite. Il n’y a pas de plus grande réalisation que de servir l’humanité dit Gandhi.
On essore le corps subtil imprégné de nos tensions qui se dissolvent. La glace devient eau. Ce n’est pas la posture figée qui amène la méditation mais la détente.
Comment se défaire de notre volonté ? C’est quand l’énergie dispensée dans les actes est judicieuse qu’arrive le détachement. Il s’agit de lâcher prise. L’être humain ne peut se passer d’agir. Accomplir, c’est s’accomplir. Mais d’où part cet acte en moi : la carapace qui veut paraitre ou le centre ? Comment agir ?
Il s’agit de retrouver cette dimension fluide. On se laisse aller comme dans la marche.
Le centre, c’est le point repos du monde qui tourne. Au point repos, là est la danse : ni arrêt ni mouvement, passe et futur s’y marient. C’est la danse de la vie. L’axe terre ciel est l’axe médian vibratoire nommé Sushumna, dont il est éminemment bon de souvenir. Le char devant le cocher représente le discernement intuitif, qui tient les rênes de la pensée. Les chevaux sont les sens. Pour l’Inde l’homme sait mais il l’oublie.
La vie est faite de mouvements verbaux et mentaux. L’existence est faite de consonances et dissonances, de souffrance et de bonheur. C’est grâce à cette alchimie qu’on peut atteindre la délivrance. L’angoisse est indispensable pour avancer sur le chemin.
Le chaos ne va jamais sans un germe d’ordre et il n’y a jamais d’harmonie sans un germe de désorganisation. De la même façon qu’il n’y a pas de danse sans tension et relâchement. La vie doit être dans le courant et le rythme pour être délivrée.
BIBLIOGRAPHIE
Bhagavadgītā, chant XIII, versets 2-3, 5-11, traduction d’Alain Porte, éditions Arléa (avec une musique de Uatki, Krishna – Holly affirming)
Extrait des Ennéades I, 6 [1 ; Sur le beau], de Plotin, traduction de M. N. Bouillet, IIIe siècle ap. J-C.
Bhagavadgītā,chant VI, versets 10-14, 16-18 et 20-21, traduction d’Alain Porte, éditions Arléa